[Compte-rendu] - Dîner-débat avec Gilles BABINET

 
 

Le Cercle Orion a eu l’honneur de recevoir ce lundi 4 décembre Gilles BABINET, entrepreneur, digital champion nommé par la France auprès de la Commission européenne, co-président du Conseil national du numérique.

Ce dernier dîner-débat de l’année 2023 s’inscrit au carrefour de deux de nos projets structurants : l’Initiative Révolution et Puissances de l’Intelligence Artificielle, visant à répondre aux grands bouleversements du monde liés à l’intelligence artificielle avec pragmatisme et responsabilité, et l’Initiative Leadership XXI, qui vise à définir les contours d’une bonne gouvernance publique et privée et à réfléchir aux qualités attendues d’un décideur engagé au XXIe siècle tant sur des aspects de compétences et de vision stratégique long terme que sur des qualités de savoir-être, de leadership, de charisme et de management.

Ce faisant, le Cercle Orion montre qu’il entend se constituer en club d’influence qui défend les principes de l’innovation, du progrès technique et la technologie au service d’une société irriguée par les valeurs politiques qu’il défend et son éthique de l’entrepreneuriat.

La discussion avec notre invité Gilles BABINET s’est portée sur deux thématiques structurantes que sont l’intelligence artificielle et l’attractivité du territoire à l’aune de la start-up nation.

En ce qui concerne l’intelligence artificielle, il importe que les décideurs prennent conscience des enjeux qu’elle renferme, des opportunités qu’elle ouvre et des risques qu’elle est susceptible de comporter afin de parvenir à développer des innovations de rupture.

L’intelligence artificielle permet indéniablement des progrès et une amélioration de l’efficacité dans le travail. En particulier, les IA génératives sont celles qui amènent des mutations de la société déjà visibles, les robots conversationnels basés sur une telle IA ayant déjà leur place dans l’entreprise ou sur les bancs des établissements d’enseignement supérieur. La qualité de l’apport de cette technologie à l’Humanité doit être jugée en fonction de l’usage qu’elle en fait.

Pour autant, il faut maîtriser les risques induits par les technologies numériques et amplifiés par l’IA. Ces risques sont les atteintes potentielles à la cybersécurité qui peuvent être palliés par des solutions adaptées, la désinformation qui peut être amplifiée par un entrainement biaisé des IA génératives et les atteintes à la sphère privée et intime.

Il faut prendre toutefois garde à l’excès de régulation et à une conception extensive du principe de précaution. Etabli au niveau constitutionnel en France en vertu de la charte de l’environnement de 2004, le principe de précaution implique pour l’administration et le législateur que leur action soit mesurée par rapport aux dommages incertains qu’elle pourrait provoquer, lorsque les connaissances scientifiques sur le sujet qui s’y rapporte n’apportent pas encore de réponse complète. Selon notre invité, cette mentalité qui irrigue les pouvoirs publics représente un frein au développement des solutions innovantes qui structurent déjà nos sociétés et l’économie numérique.

A cet égard, l’IA Act, règlement européen sur l’intelligence artificielle qui vise à sécuriser les applications possibles de l’IA dans l’Union européenne, ne tombe pas dans ces écueils et crée les conditions de possibilité pour l’Europe de devenir un foyer propice au développement des IA, une sorte d’IA nation.

Cependant, trois conditions sont à remplir selon M. BABINET pour que l’Europe devienne un continent véritablement tourné vers l’IA. D’un part, il est nécessaire de former les hauts fonctionnaires, décideurs administratifs et politiques au digital afin de leur permette d’intérioriser les enjeux sociaux, techniques et sociétaux de l’innovation numérique. Il est aussi nécessaire de financer davantage l’écosystème permettant l’éclosion des IA, à savoir un monde de la recherche et un enseignement supérieur suffisamment sensibilisés et aux financements orientés sur la recherche et le développement en intelligence artificielle. Enfin, il importe de créer une formation populaire avec notamment des « cafés IA » afin, de même, de sensibiliser tout un chacun à cet objet scientifique et technologique et de lutter contre le phénomène de rejet qui pourrait survenir de l’introduction non réfléchie de fonctionnalités avancées de l’IA ayant un impact plus fort sur la vie sociale.

En ce qui concerne l’attractivité du territoire à l’aune de la start-up nation, notre invité est d’avis que les start-ups vont supplanter les grands groupes à la faveur d’un clivage réel qui opposera ces deux modèles entrepreneuriaux. Les innovations technologiques de rupture, celles qui déterminent notre futur en tant que société humaine, sont celles inventées par les start-ups. Le développement de ces dernières ne sera pas structurellement affecté par la vague de réindustrialisation car le poids des services dans l’économie ne peut que demeurer prépondérant.

Les mesures politiques prises depuis 2017 en faveur de l’attractivité de la France portent leurs fruits et l’on constate que le terrain est ainsi devenu plus propice au développement de solutions innovantes en France. La montée en puissance de la banque publique d’investissement (BPI France) permettant à la puissance publique de venir en soutien aux secteurs économiques stratégiques, ainsi que le développement d’une stratégie publique en matière de start up nation, renforcent indéniablement l’attractivité du pays.

Il importe que la France facilite l’établissement des investisseurs dans les secteurs de croissance en remédiant avec les mesures qui la handicapent en insufflant un esprit de pragmatisme chez les décideurs publics. Ainsi aura-t-on les moyens de bâtir une réelle autonomie stratégique européenne autour des réussites économiques créées grâce au cadre favorable construit dans la discussion entre Etats membres et dans le cadre de l’Union européenne. L’innovation doit être privilégiée face à la bureaucratie et à la technocratie qui permettent aux grandes entreprises disposant de suffisamment de ressources de présenter les solutions d’avenir les plus efficaces.

En outre, créer des champions européens de l’intelligence artificielle implique d’aligner nos conditions de financement public sur celles des autres pays en pointe dans ce domaine et donc de revoir les dispositions juridiques européennes relatives au droit de la concurrence et du financement public. En effet, les grandes réussites de l’IA à l’étranger reposent souvent sur une communauté de vues entre l’initiative privée et les instances publiques à même d’appuyer cette innovation.

Grâce aux échanges passionnants avec Gilles BABINET, le Cercle Orion a pu renforcer sa vision stratégique et prospective en ce qui concerne les différentes déclinaisons de la start-up nation et notamment l’IA et l’attractivité économique. Ce dîner-débat enrichit les réflexions au bénéfice de notre expertise dans le cadre de l’Initiative Révolution et Puissances de l’Intelligence Artificielle. Il stimule également la capacité de l’Initiative Leadership XXI à construire une offre permettant d’acclimater les décideurs publics et privés de demain aux enjeux structurants auxquels ils seront confrontés.