[Compte-rendu] - Dîner-débat avec Pierre SELLAL

Le Cercle Orion a eu l’honneur de recevoir, ce 20 mars, l’Ambassadeur de France Pierre SELLAL, ancien représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne à deux reprises et directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères. Ce dîner-débat visait, dans le cadre de notre Axe Phare Souveraineté et Puissance, à réfléchir sur la contribution de la France aux projets européens et sur les questions géopolitiques à l’aune des grands conflits actuels.

L’intervention de notre invité portait sur trois principaux sujets : notre politique à l’égard du flanc est de l’Union européenne dans le cadre de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, les questions européennes et internationales compte tenu de la contestation actuelle de l’ordre international ainsi que la situation au Proche-Orient à l’heure de la guerre entre Israël et le Hamas.

Alors que de nombreux Etats européens possédaient des intérêts économiques en Russie et souhaitaient approfondir leur relation avant le déclenchement de la guerre contre l’Ukraine, l’Europe a su s’affirmer en s’opposant fermement à l’invasion, par des sanctions économiques. Cette affirmation contredit la dynamique première de la construction européenne qui visait, depuis les années 1950, à ce que le pouvoir soit réparti de manière diffuse dans un cadre supranational sans détenteur d’un pouvoir d’initiative prépondérant.

L’Union européenne a bâti une architecture institutionnelle, juridique et politique originale qui présente ses avantages et ses défauts. L’Union a pu permettre une réponse coordonnée à la crise de la covid par l’achat de vaccins, un endettement en commun pour financer les plans de relance nationaux. Elle a aussi privé le pouvoir russe d’une base arrière pour stocker ses capitaux et ses avoirs. En revanche, l’inertie de certaines institutions est susceptible de gêner ces volontés politiques.

Selon notre invité, l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne relatif au temps de travail des militaires a été pris en fonction de considérations strictement juridiques. La décision n’aurait ainsi pas été la même si l’affaire avait été portée devant la Cour après le déclenchement de l’invasion russe de l’Ukraine, compte tenu de la remise en cause de la sécurité de l’Europe opérée depuis février 2022. Dans d’autres secteurs, l’Union européenne peut progresser pour permettre aux Etats de développer leurs ambitions, notamment dans le domaine des nouvelles technologies ou de l’industrie de défense.

Par ailleurs, l’ordre international est de plus en plus contesté. La position des Etats qui sont membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unis, disposant de cette position du fait de leur victoire dans la Seconde Guerre mondiale, est perçue comme de moins en moins légitime. L’affirmation de nouvelles puissances politiques et économiques, dans le cadre notamment des BRICS, participe de cette réouverture du débat sur la gestion de l’ordre international et de la paix. Certains Etats soutiennent l’entrée d’un pays africain en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, d’autres souhaitent que l’Inde et le Japon en fassent partie. Du fait de la difficulté à modifier les règles applicables, notre invité considère néanmoins qu’un tel changement nécessitera des négociations longues et complexes.

La situation au Moyen-Orient est quant à elle préoccupante, avec l’intensification de la guerre par proxy que mène l’Iran contre Israël. La déstabilisation pour la région que cela engendre a une influence sur le commerce mondial, notamment du fait des attaques des Houtis établis au Yémen contre le trafic maritime en mer Rouge et dans le détroit du Bab el-Mandeb. Le poids des chancelleries occidentales est diminué et il importe de se rapprocher des acteurs décisifs pour bâtir la paix.

Le prochain dîner-débat est prévu le 18 avril prochain avec l’avocat, écrivain et académicien François SUREAU, au sujet de son dernier livre S’en aller paru aux éditions Gallimard.